Le moral gagne sur le légal

Le conseil d’administration d’Alcatel-Lucent « a pris en compte les recommandations émises par le Haut Comité de gouvernement d’entreprise et les observations de l’Autorité des marchés financiers relatives à la rémunération à long terme de M. Combes ». Celui-ci devrait désormais quitter l’entreprise avec un package d’un montant de 8 millions d’euros et non plus de 14 millions comme il en avait été décidé lors d’un conseil qui s’était déroulé en juillet. Cette volte-face amène plusieurs réflexions. C’est déjà la première fois que les patrons français s’élèvent à l’unanimité et à juste titre contre une rémunération qu’ils estiment disproportionnée. C’est un tournant très positif pour le capitalisme français, rendu possible, notamment grâce au Haut Comité de gouvernement d’entreprise. Présidée par Denis Ranque, président du conseil d’administration d’Airbus Group, et comptant parmi ses membres des personnalités aussi prestigieuses que Michel Rollier, président du conseil de surveillance de Michelin, et Pascal Colombani, président du conseil d’administration de Valeo, cette instance a vu le jour fin 2013, après la révision du code Afep-Medef. Cela montre aussi que l’autorégulation du capitalisme français fonctionne, ce dont beaucoup doutaient. Le risque ultime aurait été que le gouvernement s’en mêle et impose un nouveau carcan aux entreprises, en encadrant strictement les parachutes dorés. Rien ne dit qu’il ne se serait pas ensuite attaqué aux rémunérations annuelles des dirigeants, comme il l’a fait dans les entreprises publiques où, depuis juin 2012, les salaires des patrons ne peuvent dépasser 450 000 euros. Ce qui aurait accéléré la fuite des cerveaux. Mais le chemin est encore long pour que la morale l’emporte définitivement sur le droit. Chez Altice, la maison mère de son nouvel employeur, Michel Combes aurait négocié une rémunération en fonction de la performance boursière de l’entreprise qu’il dirigera. Mais parce qu’Altice est une société de droit néerlandais, elle n’est pas obligée de publier des informations sur la rémunération de ses dirigeants… Dans l’affaire Alcaltel-Lucent, le capitalisme a certes gagné une bataille mais pas encore la guerre.